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Il faut plus de places d’études et de formation postgraduée!

Cet automne a été le théâtre d’un débat parfois confus autour du numerus clausus et du test d’aptitudes nécessaire à l’obtention d’une place d’études. Une chose est sûre: il est urgent de créer plus de places d’études et de formation postgraduée.

Les études de médecine sont prisées, les médecins sont une denrée rare. Il est urgent d’augmenter le nombre de places d’études. Photo: Adobe Stock
Les études de médecine sont prisées, les médecins sont une denrée rare. Il est urgent d’augmenter le nombre de places d’études. Photo: Adobe Stock

Se dirige-t-on vers une suppression du numerus clausus? Cette conclusion s’imposait à la lecture des médias suisses à la fin septembre. «Le numerus clausus va être supprimé» ou «La suppression du numerus clausus suscite des réactions contrastées» pouvait-on lire dans différents quotidiens et médias en ligne. L’origine de ces gros titres: la motion «Numerus clausus. En finir avec une sélection des étudiants en médecine sur des critères autres que de compétences et de qualité» déposée par le conseiller national du Centre Benjamin Roduit et adoptée au Conseil des Etats par une nette et surprenante majorité de 32 voix contre 9. Auparavant déjà, le Conseil national avait également adopté la motion par 144 voix contre 43, qui a donc été transmise au Conseil fédéral.

Celle-ci résume ainsi le mandat: «Dans le domaine de la formation médicale universitaire et postgrade, le Conseil fédéral est chargé, en concertation avec les cantons, de prendre des mesures pour que l’admission des étudiants repose principalement sur des critères de compétences et de qualité.» Et: «A cet effet, il veillera à ce qu’il y ait une meilleure offre de places d’études et de stages cliniques, en particulier dans les soins de base et dans le domaine ambulatoire.»

La motion visait en premier lieu le nombre de places d’études

Au Conseil national, il n’y avait pas eu de vrai débat. En revanche, plusieurs membres du Conseil des Etats se sont exprimés. Il est clairement ressorti de la discussion que le souci premier de l’auteur de la motion et de ses soutiens est d’augmenter le nombre de places d’études et de formation postgraduée.

La dépendance de la Suisse de médecins formés à l’étranger a été plusieurs fois citée pour justifier le besoin supplémentaire en places d’études. La situation paradoxale du nombre croissant de jeunes Suissesses et Suisses qui partent étudier à l’étranger en raison du manque de places d’études en Suisse a également été évoquée. Mais aussi la nécessité d’améliorer les conditions de travail pour réduire le taux d’abandon de la profession a été souligné, en particulier par la sénatrice du Centre Marianne Maret.

Termes et significations imprécis

Le débat a cependant aussi montré qu’il y a parfois confusion de termes. De quoi est-il question? La demande pour des places d’études en médecine humaine dépasse l’offre. En 2024, 5600 personnes se sont inscrites pour environ 2200 places d’études.

Le terme «numerus clausus» (latin pour «nombre limité») est normalement employé pour désigner une limitation du nombre de places d’études. Il existe différentes manières d’attribuer les places. En Allemagne, l’attribution des places d’études disponibles s’effectue en partie à l’aide de la note de maturité. Les étudiants doivent avoir une note finale définie pour certaines filières d’études. Cette note est adaptée chaque année. En Suisse, la sélection pour la plupart des filières s’effectue par le biais d’examens après la première ou la deuxième année d’études. Cela se fait dans les écoles polytechniques fédérales (EPF) ou dans des filières particulièrement prisées comme la psychologie. En médecine, ce système ne s’applique que dans les trois universités romandes de Genève, Lausanne et Neuchâtel.

La plupart des autres universités suisses misent sur le test d’aptitudes pour les études de médecine que l’on assimile en Suisse généralement au numerus clausus. Ce test d’aptitudes est utilisé pour attribuer les places d’études en médecine humaine dans les universités de Bâle, Berne, Fribourg, Tessin, Zurich et à l’EPF Zurich. Depuis qu’il a été introduit, il suscite la controverse et des discussions. La question de savoir si cette méthode de sélection est adaptée pour sélectionner les «bons» étudiants en médecine, si l’on accorde trop de poids aux compétences scientifiques et aptitudes à résoudre des problèmes quantitatifs et formels ou si la méthode discrimine celles et ceux qui souhaitent devenir médecin de famille est régulièrement posée.

5000 médecins manqueront en 2040

Il est évident qu’une pénurie de médecins se dessine à l’horizon en Suisse. D’après la statistique médicale de la FMH, ce sont déjà aujourd’hui 40% des médecins actifs en Suisse qui ont été formés à l’étranger. C’est non seulement discutable du point de vue éthique, mais n’offre en outre aucune garantie que l’on parviendra à recruter suffisamment de médecins qualifiés à l’étranger à l’avenir. Les pays voisins de la Suisse ne ménagent pas leurs efforts pour maintenir leur main-d’œuvre qualifiée chez eux. Les calculs de l’entreprise de conseil PWC prévoient que déjà en 2040, environ 5500 médecins manqueront en Suisse.

La manière d’attribuer les places d’études en médecine est finalement secondaire. L’adaptation ou la suppression du test d’aptitudes aussi connu sous le nom de numerus clausus ne résoudra pas le problème. Et l’introduction d’un stage obligatoire en soins infirmiers comme condition pour l’admission au test d’aptitudes, telle que le propose le député zurichois Josef Widler dans une motion, n’empêchera pas non plus la pénurie de médecins.

Le plus important et le plus urgent est d’augmenter le nombre de places d’études et de formation postgraduée. Cela est aussi apparu dans le débat autour de la motion Roduit, et Josef Widler le demande également dans un postulat urgent déposé au parlement cantonal zurichois.

N’oublions pas les conditions de travail

L’asmac, la swimsa et la FMH exigent aussi l’extension des possibilités de formation et de formation postgraduée. Un débat sur le numerus clausus est également souhaité pour examiner comment mieux tenir compte des compétences sociales. Et n’oublions pas l’amélioration des conditions de travail, en particulier des médecins-assistant(e)s, pour les empêcher de quitter prématurément la profession. Les symptômes d’épuisement ont fortement augmenté chez les médecins-assistant(e)s et chef(fe)s de clinique au cours des dernières années. Pour maintenir les médecins dans la profession, il faut donc notamment aussi s’attaquer aux conditions de travail.

Et pour répondre à la question posée en entrée: non, le numerus clausus (c.-à-d. le test d’aptitudes) ne sera probablement pas supprimé. Mais on peut espérer que la discussion sur ce sujet permettra de prendre les bonnes mesures pour assurer durablement la relève médicale et les soins de santé.