• Autres pays, autre médecine?

«Les Suédois maîtrisent mieux l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée»

Simon Gründler étudie la médecine en quatrième année et a effectué cet été un stage de recherche en Suède. Dans l’interview, il nous parle du bel été suédois et des excellentes conditions de travail à l’Institut Karolinska.

Outre son travail dans le cadre d’un stage de recherche, Simon Gründler, étudiant en médecine, a particulièrement apprécié les longues soirées d’été en Suède. Photo: màd
Outre son travail dans le cadre d’un stage de recherche, Simon Gründler, étudiant en médecine, a particulièrement apprécié les longues soirées d’été en Suède. Photo: màd

Tu as passé deux mois en Suède. Quel était l’objet de ton séjour?

J’ai passé les mois de mai et juin à Solna près de Stockholm à l’Institut Karolinska où j’ai effectué un stage de recherche. Je faisais partie d’un groupe en chirurgie pédiatrique qui travaille sur la culture de tissus. Ces tissus sont ensuite utilisés par exemple chez des filles auxquelles il manque de grandes parties du vagin. La particularité de ce projet de recherche consistait à cultiver des tissus dans le propre corps. Lorsque cela fonctionne, on peut économiser au moins une opération par rapport à la pratique actuelle où le tissu est cultivé en laboratoire. Pour ma part, j’ai travaillé sur les mécanismes moléculaires de la cicatrisation vaginale. C’était mon sujet de recherche au sein du groupe.

Comment as-tu organisé ton séjour à l’étranger?

J’ai fait mon bachelor à l’EPF de Zurich et je suis maintenant mes études de master à l’Università della Svizzera Italiana, USI, à Lugano. Pour les étudiants en médecine, il est d’une manière générale difficile d’effectuer un stage à l’étranger. Ce n’est pas prévu durant les études de bachelor à l’EPF. Dans le cadre des études de master, il y a certaines possibilités dans d’autres universités, mais normalement pas à l’USI, étant donné que les études à Lugano sont fortement axées sur la pratique. Nous passons deux jours par semaine à l’hôpital et suivons des cours théoriques le reste de la semaine. D’autres universités sont organisées différemment, ce qui permet d’intégrer un séjour à l’étranger pendant les études. Le séjour à l’étranger était un objectif important pour moi, aussi pour faire connaissance d’un autre système de santé. De telles expériences sont utiles pour la planification de carrière.

Comment as-tu réussi malgré ces conditions pas vraiment idéales?

Les études de bachelor à l’EPF Zurich incluent un stage de recherche translationnelle obligatoire. L’EPFZ propose une liste de groupes de recherche. Ceux-ci sont toutefois tous situés en Suisse. Je m’étais fixé pour objectif d’effectuer mon stage de recherche à l’étranger. Dans un premier temps, j’ai sondé le terrain dans le domaine du climat et de la médecine, aussi dans les pays nordiques compte tenu de leur avance dans ce domaine. Mais je n’ai rien trouvé. Comme la pédiatrie m’intéresse également, j’ai cherché des options dans ce domaine et suis tombé sur le projet à l’Institut Karolinska. J’ai ensuite contacté les responsables et obtenu le poste. J’ai donc dû faire preuve d’esprit d’initiative, mais j’ai aussi eu de la chance.

Pourquoi la Suède et l’institut Karolinska?

Je ne voulais pas partir trop loin et j’ai donc limité ma recherche à l’Europe continentale. J’éprouve beaucoup de sympathie pour les pays nordiques et l’Institut Karolinska jouit d’une renommée internationale. C’est un des meilleurs établissements de recherche au monde. J’ai donc vraiment eu de la chance d’obtenir ce poste de stage. L’institut est gigantesque. Il n’existe rien de comparable en Suisse et aussi en Europe, il est unique.

Quels obstacles as-tu dû surmonter?

Il y a eu l’aspect financier. Ni l’EPF Zurich ni l’Institut Karolinska n’accordent de bourses ou d’autre soutien financier. Il faut donc soi-même organiser le financement. Et aussi le logement. L’Institut Karolinska propose certes des chambres pour les étudiants, mais dans ma situation, je n’avais pas droit à un tel logement et j’ai donc réservé une chambre via Airbnb. C’est un point qui mériterait d’être amélioré. L’EPF pourrait envisager de créer un fonds au titre duquel les étudiants en médecine pourraient demander des subsides pour un séjour à l’étranger. Je n’ai par contre eu aucun problème pour obtenir le visa. Un séjour d’une aussi courte durée dans le cadre d’un stage s’organise facilement en Europe.

Qu’est-ce que tu as le plus aimé?

J’ai bénéficié d’un encadrement très étroit et j’ai été très bien accueilli. Le groupe de recherche a la particularité de travailler majoritairement à Copenhague. Seuls ma maîtresse de stage et moi étions à Stockholm. Tous les 15 jours, la responsable du groupe nous rejoignait. Mon travail a été très apprécié et j’ai pu apporter ma contribution. Pour les personnes chargées de mon encadrement, c’était donc plus que du travail supplémentaire, ce qui est super. Le fait de ne pas seulement travailler à l’ordinateur, mais aussi en laboratoire m’a aussi bien plu. J’ai nourri et manipulé des cellules. C’était très intéressant et une expérience inédite pour moi.

L’été suédois m’a aussi beaucoup plu. En mai et juin, les jours sont longs, la ville est animée et les gens sortent beaucoup. C’était vraiment cool. J’avais aussi un très bon équilibre entre travail et vie privée. Ma maîtresse de stage m’a encouragé à sortir et à ne pas travailler trop longtemps au laboratoire. C’était intéressant de voir comment ils maîtrisent cela en Suède. Ma maîtresse de stage a deux enfants et parvient très bien à concilier travail et vie de famille. Cela serait certainement plus difficile en Suisse. La responsable du groupe – qui fait de la recherche, travaille comme chirurgienne, a des enfants, fait les trajets entre Copenhague et Stockholm – parvient d’après ses dires à tout gérer.

Même si des efforts sont entrepris en Suisse pour améliorer les choses, ils sont souvent considérés comme illusoires. Mon expérience en Suède m’a montré que l’on peut aussi faire autrement. Il est possible de faire de la recherche, de travailler en chirurgie et d’avoir une vie privée. En Suisse, on a vite tendance à dire que ce n’est pas possible. Mais en Suède, on voit que ça marche.

Ce constat se limite-t-il à la recherche ou vaut-il d’une manière générale dans le système de santé?

Le personnel soignant était en grève lorsque j’étais à Stockholm. Ils travaillent actuellement 40 heures par semaine et veulent obtenir une réduction de la durée de travail. Je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais ils travaillent moins que nous en Suisse et veulent davantage réduire le temps de travail. La discussion est déjà plus avancée qu’en Suisse. La principale différence réside probablement dans la prise en charge des enfants. Il est d’usage de reprendre rapidement le travail après la naissance d’un enfant. Il existe un système de prise en charge des enfants performant et il est donc normal de placer les enfants à l’extérieur et de reprendre rapidement son activité professionnelle, tant pour les pères que les mères. Ce principe est accepté et permet de concilier travail et vie privée bien mieux qu’en Suisse.

As-tu vécu des choses qui t’ont moins plu?

Non, mais il faut dire que mon séjour était assez court. J’ai évidemment regretté de ne pas parler le suédois. Pour le stage de recherche, cela ne m’a cependant pas posé de problèmes puisque tout le monde parlait anglais. Mais pour travailler dans un hôpital et prendre en charge des patients, je peux m’imaginer qu’il faudrait d’abord apprendre le suédois.

As-tu déjà une idée pour ce qui concerne ton futur parcours professionnel? Est-ce que le stage t’a permis de pousser la réflexion?

A l’heure actuelle, je m’intéresse à la chirurgie pédiatrique, mais je vois tellement de choses que cela pourrait vite changer. Le stage m’a conforté dans mon idée de m’engager dans une discipline chirurgicale. Je fais d’ailleurs mon travail de master dans ce groupe de recherche en Suède, mais en collaboration avec la médecin-cheffe du service d’urologie pédiatrique à l’Hôpital pédiatrique de Zurich qui encadre mon travail de master.

Biographie express

Simon Gründler étudie la médecine en quatrième année à l’Università della Svizzera Italiana à Lugano. Il a terminé ses études de bachelor à l’EPF de Zurich. En été 2024, il a effectué un stage de recherche à l’Institut Karolinska à Solna près de Stockholm, en Suède.

Un coup d’œil au-delà de la frontière

Dans la série «Autres pays, autre médecine?», nous nous entretenons avec des médecins ou étudiants qui travaillent/ont travaillé à l’étranger pendant un certain temps. Quelles sont leurs expériences dans ce contexte? Qu’est-ce qui fonctionne mieux ou moins bien qu’en Suisse?

Les médecins qui souhaitent évoquer leurs expériences en la matière peuvent volontiers contacter la rédaction: journal@asmac.ch