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Quand les mondes intérieurs se rencontrent: l’effet du cannabis en psychiatrie

Les cannabinoïdes d’origine végétale présentent un potentiel prometteur pour la régulation du sommeil, du stress et des émotions. Les premières preuves existent. Cependant, pour qu’ils puissent être durablement établis dans la pratique psychiatrique, des études randomisées et contrôlées plus solides sont nécessaires.

Le cannabis contient des substances bioactives qui pourraient être utiles dans les maladies psychiques. Photo: Greta Lamers, générée par l’IA
Le cannabis contient des substances bioactives qui pourraient être utiles dans les maladies psychiques. Photo: Greta Lamers, générée par l’IA

Le cannabis fait partie des plus anciennes plantes médicinales connues de l’humanité et était déjà utilisé à des fins médicales il y a 5000 ans. Mais cette plante est bien plus qu’un simple remède historique – elle contient des substances bioactives qui interagissent avec un système biologique clé du corps humain: le système endocannabinoïde (SEC).

L’intérieur de la plante de cannabis: une symphonie chimique

La plante de cannabis produit plus de 500 composés bioactifs, parmi lesquels des cannabinoïdes, des flavonoïdes et des terpènes. Ces substances sont principalement synthétisées dans les trichomes, de minuscules glandes résineuses situées sur les fleurs et les feuilles. Les cannabinoïdes sont responsables de nombreux effets pharmacologiques de la plante. Le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) est connu pour ses propriétés psychoactives, analgésiques et antispasmodiques, tandis que le cannabidiol (CBD) possède des effets anti-inflammatoires, apaisants et anticonvulsifs. Outre le THC et le CBD, la plante de cannabis contient d’autres cannabinoïdes aux propriétés potentiellement thérapeutiques. Des études précliniques montrent que le cannabigérol (CBG) et le cannabichromène (CBC) ont des effets anti-inflammatoires et neuroprotecteurs, tandis que le cannabinol (CBN) présente des propriétés sédatives qui, combinées au THC, pourraient améliorer la qualité du sommeil. Les terpènes, comme le linalol, le pinène, le myrcène et le limonène, possèdent aussi des effets anti-inflammatoires, neuroprotecteurs et régulateurs de l’humeur.

L’intérieur du corps humain: le SEC, régulateur de l’homéostasie

La découverte du système endocannabinoïde (SEC) dans les années 1980–1990 a marqué une avancée majeure en neurosciences. Ce système joue un rôle-clé dans la régulation de divers processus physiologiques, dont la gestion de la douleur, la réponse immunitaire ainsi que la régulation du stress et des émotions. Le SEC est constitué de récepteurs cannabinoïdes (CB1, CB2), de ligands endogènes (endocannabinoïdes) et d’enzymes qui régulent leur synthèse et leur dégradation.
Les récepteurs CB1 sont situés principalement dans le système nerveux central et modulent la libération de neurotransmetteurs comme le glutamate et le GABA. Les récepteurs CB2 sont surtout exprimés dans les cellules du système immunitaire et ont un rôle anti-inflammatoire. L’anandamide (du sanskrit ananda, qui signifie «béatitude», une indication de son rôle dans la régulation de l’humeur) et le 2-AG agissent comme des messagers rétrogrades, contrairement aux neurotransmetteurs classiques: ils s’expriment de manière postsynaptique et inhibent la libération de neurotransmetteurs de manière présynaptique, modulant ainsi l’excitabilité neuronale. Les enzymes FAAH et MAGL contrôlent leur dégradation et limitent la signalisation.

Quand la plante rencontre l’humain: perspectives cliniques

Cette régulation précise fait du SEC une interface centrale pour l’homéostasie et la plasticité neuronale – avec un grand potentiel thérapeutique. Grâce à ses voies de signalisation complexes, il régule les émotions, la cognition et d’autres processus neuronaux, ce qui permet aux cannabinoïdes d’interagir de manière ciblée avec ces mécanismes. Le THC se lie par exemple aux récepteurs CB1 dans l’hypothalamus et le noyau accumbens – des régions qui influencent la régulation hormonale ainsi que le système de récompense et de motivation. Les récepteurs CB1 sont également présents dans l’amygdale et l’hippocampe, qui sont des zones centrales pour les émotions, le traitement de l’anxiété et la mémoire. Le CBD, quant à lui, n’agit pas directement sur les récepteurs CB, mais inhibe la dégradation de l’anandamide et interagit entre autres avec les récepteurs vanilloïdes et sérotonine, ce qui pourrait contribuer à ses effets analgésiques et anxiolytiques. Les essais contrôlés randomisés (ECR) confirment de plus en plus le potentiel thérapeutique des cannabinoïdes dans les indications psychiatriques. Le CBD peut réduire l’activité de l’amygdale, atténuant ainsi les réactions anxieuses [4–7]. Des études sur le trouble de stress post-traumatique montrent des améliorations au niveau des cauchemars et de l’hyperémotivité après l’administration de THC/CBD [8, 9]. Le CBD a également conduit à des améliorations significatives en cas de stress chronique, par exemple dans le cadre d’un traitement du burn-out [10]. Le sommeil, essentiel pour la stabilité émotionnelle, peut également être modulé par les cannabinoïdes. Des études montrent que l’administration de THC/CBD améliore la qualité du sommeil et facilite l’endormissement [11–14]. Les données concernant les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) [15], la dépression [16, 17] et l’autisme [18, 19] suggèrent en outre un potentiel thérapeutique prometteur. De plus, des études indiquent que le cannabis pourrait avoir un effet d’épargne des opioïdes, réduisant ainsi non seulement la douleur, mais aussi le stress psychologique lié à la douleur chronique – tout en minimisant le risque de dépendance aux opioïdes.

Malgré son potentiel thérapeutique, l’utilisation médicale du cannabis nécessite une évaluation minutieuse des bénéfices et des risques. Comparé aux opioïdes et aux benzodiazépines, il présente un profil de sécurité plus favorable, mais peut – en particulier le THC – provoquer des effets secondaires dose-dépendants, par exemple de la tachycardie et des variations de la pression artérielle. Chez les personnes prédisposées génétiquement ou souffrant de troubles psychiatriques, il existe un risque accru d’épisodes psychotiques. En revanche, le CBD est étudié pour ses effets antipsychotiques potentiels. L’essor de produits de cannabis à forte concentration en THC soulève des préoccupations quant à la tolérance et au développement d’une dépendance. Bien que les troubles liés à l’usage du cannabis soient généralement moins fréquents et moins graves que ceux liés aux opioïdes ou à l’alcool, une consommation chronique de THC à haute dose peut induire des changements neuroadaptatifs.

Conclusion: entre potentiel et besoin de recherche

En interagissant avec le système endocannabinoïde, les cannabinoïdes végétaux influencent de manière significative la régulation des émotions, du stress et du sommeil. Cependant, malgré leur potentiel thérapeutique prometteur, les preuves cliniques restent insuffisantes. Les faiblesses méthodologiques, telles que la taille réduite des échantillons et l’hétérogénéité des préparations à base de cannabis, limitent la pertinence de nombreuses études. Il est donc essentiel de réaliser des essais cliniques randomisés (ECR) de grande envergure, bien conçus, avec des critères d’évaluation clairs et des préparations standardisées, afin de définir plus précisément la valeur thérapeutique du cannabis et permettre son intégration dans la pratique psychiatrique sur la base de données probantes.

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