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Donner un feed-back

Les retours réguliers permettent aux médecins-assistant(e)s d’améliorer leurs performances. En particulier lorsque l’entretien de feed-back porte sur des déficits importants, il est essentiel de bien s’y préparer.

Le feed-back positif peut aussi se dérouler dans la chambre du patient. Photo: Adobe Stock
Le feed-back positif peut aussi se dérouler dans la chambre du patient. Photo: Adobe Stock

Quelles sont mes tâches en tant que chef(fe) de clinique?

Les chef(fe)s de clinique sont directement responsables de la qualité de la prise en charge médicale dans leur équipe médicale. Il est donc important qu’ils observent les performances de l’équipe et abordent les problèmes, déficits, etc. De plus, leur feed-back est un élément essentiel qui permet aux médecins-assistant(e)s d’avancer dans leur formation postgraduée et de s’améliorer dans leur travail.

Parmi les facteurs déterminants d’une prise en charge optimale des patients figure aussi l’échange régulier avec un feed-back mutuel au sein de l’équipe interprofessionnelle.

Le feed-back est une information ciblée relative à une performance observée comparativement à un standard défini [1]. Le feed-back doit décrire de la manière la plus concrète et constructive possible comment un geste a été réalisé: l’objectif consiste à améliorer ou changer un comportement, une activité ou un processus.

Conditions pour un feed-back

Climat respectueux: Un climat d’apprentissage respectueux est la condition de base pour que le feed-back soit efficace et durable [2]. Ce n’est que par le respect et la confiance mutuels que le feed-back peut être accepté et mis en œuvre [3].

Définir les attentes: Il faut définir des critères et objectifs de formation relatifs à la performance attendue afin de pouvoir évaluer les connaissances, un geste ou un comportement.

Gestes observés: Le feed-back doit se référer à des situations directement observées. Il n’est pas crédible s’il s’appuie sur des «ouï-dire» ou des déclarations de tiers.

Régulier et rapide: Le feed-back doit régulièrement être intégré dans le quotidien. En abordant rapidement et directement la performance insuffisante, elle peut être améliorée durablement.

Comme se déroule un feed-back structuré?

Choix des contenus et du cadre approprié: Avant l’observation, il convient de fixer ensemble les objectifs et contenus du feed-back. Il s’agit notamment de discuter les performances susceptibles d’être améliorées. Un feed-back doit si possible se dérouler dans un cadre approprié et agréable pour les deux parties. Le feed-back positif peut aussi se dérouler dans la chambre en présence du personnel soignant ou des patientes et patients.

Autoévaluation: L’entretien de feed-back commence par des questions ouvertes portant sur l’autoévaluation de la médecin-assistante/du médecin-assistant, p. ex.: «Comment as-tu vécu l’intervention, l’entretien, etc.? Est-ce que tu t’es senti à l’aise? As-tu ressenti des incertitudes? Qu’est-ce qui t’a paru difficile?»

L’autoévaluation permet d’aborder des difficultés qui ont également été observées par la cheffe de clinique ou le chef de clinique.

Feed-back: Lors du feed-back, la cheffe de clinique ou le chef de clinique fait part de ses observations. Pour cela, il/elle doit parler à la première personne, p. ex. «J’ai observé ..., J’ai remarqué ..., J’ai bien apprécié que ...»

En premier lieu, la cheffe de clinique/le chef de clinique discute des forces (comportement, technique d’entretien, aptitudes, etc.) qu’il s’agit de maintenir. La médecin-assistante/le médecin-assistant se sent soutenu et motivé par cette démarche [4, 5]. Ensuite, la cheffe de clinique/le chef de clinique discute des performances qui doivent être améliorées.

On évitera une formulation telle que «... c’est très bien, mais ...», étant donné que cela ne décrit pas ce qui est bien et ce qu’il faut améliorer. De plus, il est utile que la cheffe de clinique/le chef de clinique explique pourquoi il faut améliorer quelque chose et formule des propositions de modification spécifiques et compréhensibles. Cela permet d’améliorer l’acceptation et la disposition au changement [6].

Résumé et conclusion: La médecin-assistante/le médecin-assistant est prié de résumer les conclusions qu’elle/il en tire. Une prochaine rencontre de feed-back peut être fixée lors de laquelle les améliorations et progrès seront à nouveau discutés.

Mais même si l’on se prépare bien au feed-back, il ne se déroulera pas toujours comme prévu. Il vaut donc la peine d’analyser après chaque feed-back les points positifs et ce qui pourrait éventuellement être amélioré la prochaine fois [5, 7].

Feed-back difficile

Le feed-back représente un défi particulier lorsque l’on observe des déficits importants [8, 9]. Les médecins-assistant(e)s n’ont souvent pas conscience de ces déficits.

Pour les chef(fe)s de clinique se pose la question de savoir quand et comment aborder de graves lacunes. Il y a un risque que les entretiens difficiles soient reportés et délégués, sans que la personne concernée ne reçoive jamais de feed-back. Pourtant, 90% de ces difficultés peuvent être résolues après un feed-back suivi d’une intervention et d’un soutien adéquat [10, 11]. L’échange avec les collègues chef(fe)s de clinique est particulièrement important et utile dans ce genre de situations.

Le modèle TIPS

Lorsqu’il s’agit de donner un feed-back difficile, il est recommandé de s’appuyer sur le modèle TIPS [12]. Les deux premières étapes devraient se dérouler avant l’entretien.

T = Type – noter et décrire le comportement problématique: Une bonne préparation est essentielle pour un feed-back, notamment en cas de déficits importants. Il s’agit de rassembler le plus grand nombre possible d’exemples concrets que l’on aura si possible soi-même observés. Il vaut la peine de noter ses propres impressions. On peut aussi demander l’avis d’autres personnes impliquées pour confirmer le tableau.

I = Identification – identifier dans quelle catégorie le problème s’inscrit: La classification du problème est importante pour développer une stratégie qui permettra de remédier au problème. La plupart des problèmes peuvent être classés dans trois groupes:

  • Connaissances: p. ex. lacunes importantes dans les connaissances médicales de base.
  • Comportement/attitude: p. ex. manque de motivation, surestimation de soi, relation médecin-patient lacunaire.
  • Compétences: p. ex. interprétation erronée d’informations et résultats, compétences interpersonnelles et communicatives insuffisantes, organisation du travail chaotique.

Les étapes suivantes se déroulent pendant l’entretien de feed-back.

P = Perception – décrire les observations: La cheffe de clinique/le chef de clinique décrit le problème en tant qu’observation à la première personne et donne ensuite à la médecin-assistante/au médecin-assistant la possibilité d’exposer son point de vue. En outre, la cheffe de clinique/le chef de clinique se doit d’aborder avec doigté les éventuelles causes liées à la vie privée et les performances de la personne dans le cadre d’emplois antérieurs.

Différentes techniques de communication peuvent s’avérer utiles suivant le déroulement de l’entretien:

  • Normaliser: «J’ai vu bien des médecins-assistant(e)s qui se ...»
  • Formuler des associations, faire preuve de compréhension: «Tu as des difficultés de concentration en raison de cette situation difficile chez toi ...»

Il peut aussi être utile de décrire de propres expériences dans des situations semblables. La situation se complique lorsqu’il y a un décalage entre la perception de soi de la médecin-assistante/du médecin-assistant et la réalité. Si l’on ne parvient pas à obtenir de la médecin-assistante/du médecin-assistant qu’elle/il change de comportement, on peut lui demander de changer de perspective ou poser des questions difficiles, par exemple:

  • «A ton avis, que penserait un patient d’un(e) médecin-assistant(e) qui se ...»
  • «Puis-je te poser une question un peu délicate? Je me demande si tu veux vraiment être médecin ...»

S = Strategies – établir un plan: Dès que les déficits ont été identifiés, il s’agit de discuter de la démarche concrète pour y remédier. Les interventions possibles sont:

  • Supervision supplémentaire, coaching ou teaching
  • Consignation par écrit des attentes
  • Réduction de la charge de travail clinique avec une proportion plus importante de temps de travail protégé
  • Changement du poste de travail par une rotation
  • Prolongation du temps d’essai et d’observation

Les mesures doivent être consignées par écrit dans un procès-verbal d’entretien signé par les deux parties. De plus, on fixera un prochain rendez-vous pour évaluer la démarche.

Un guide pour le travail de chef(fe) de clinique

Le passage du statut d’assistant(e) à celui de chef(fe) de clinique s’accompagne de toute une série de nouvelles attributions. Outre les compétences médicales, il faut également avoir acquis davantage de compétences transversales comme les aptitudes en matière de bonne communication et les qualités didactiques et de leadership. La série «Next Level» de six articles illustre les défis qui se posent et propose des conseils pratiques et une aide pour le travail quotidien. Les textes légèrement adaptés et en partie abrégés sont tirés du guide «Die oberärztliche Tätigkeit – eine neue Herausforderung» et ont été mis à disposition par les éditions Hogrefe et les auteurs pour une républication. Le guide avec les textes complets et d’autres thèmes est disponible aux éditions Hogrefe ou auprès de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG).

Bibliographie

  1. van de Ridder JM, Stokking KM, McGaghie WC, Ten Cate OT. What is feedback in clinical education? Med Educ. 2008;42(2):189–97. https://doi.org/10.1111/j.1365-2923.2007.02973.x.
  2. Hewson MG, Little ML. Giving feedback in medical education: verification of recommended techniques. J Gen Intern Med. 1998;13(2):111–6. https://doi.org/10.1046/j.1525-1497.1998.00027.x.
  3. Hesketh EA, Laidlaw JM. Developing the teaching instinct, 1: feedback. Med Teach. 2002;24(3):245–8. https://doi.org/10.1080/014215902201409911.
  4. Cantillon P, Sargeant J. Giving feedback in clinical settings. BMJ. 2008;337:a1961. doi.org/10.1136/bmj.a1961.
  5. Dent J, Harden RM, Hunt D, eds. A practical Guide for Medical Teachers. 5th ed. Amsterdam: Elsevier; 2017.
  6. Vickery AW, Lake FR. Teaching on the run tips 10: giving feedback. Med J Aust. 2005;183(5):267–8. https://doi.org/10.5694/j.1326-5377.2005.tb07035.x.
  7. Ramani S, Krackov SK. Twelve tips for giving feedback effectively in the clinical environment. Med Teach. 2012;34(10):787–91. https://doi.org/10.3109/0142159X.2012.684916.
  8. Steinert Y. The «problem» junior: whose problem is it? BMJ. 2008;336(7636):150–3. https://doi.org/10.1136/bmj.39308.610081.AD.
  9. Hicks PJ, Cox SM, Espey EL, Goepfert AR, Bienstock JL, Erickson SS, et al. To the point: medical education reviews – dealing with student difficulties in the clinical setting. Am J Obstet Gynecol. 2005;193(6):1915–22. https://doi.org/10.1016/j.ajog.2005.08.012.
  10. Winter RO, Birnberg B. Working with impaired residents: trials, tribulations, and successes. Fam Med. 2002;34(3):190–6.
  11. Reamy BV, Harman JH. Residents in trouble: an in-depth assessment of the 25-year experience of a single family medicine residency. Fam Med. 2006;38(4):252–7.
  12. Lucas JH, Stallworth JR. Providing difficult feedback: TIPS for the problem learner. Fam Med. 2003;35(8):544–6.