- Conseil juridique de l'asmac
Erreur médicale: la responsabilité du médecin
15.10.2024
Un patient a été admis dans l’hôpital où j’exerce comme médecin-assistant. La prise en charge s’est mal passée. Le patient a subi des lésions. J’ai participé à cette prise en charge, à la demande du médecin-chef. J’ai appris par la suite que le patient en question était un patient privé de mon chef de service. Suis-je responsable? Qu’est-ce que je risque? Dois-je m’attendre à un procès?
Lorsqu’il exerce son art, le médecin ne peut pas garantir de résultat. Il est en revanche tenu par une obligation de moyens, aussi appelée obligation de diligence. L’étendue de la diligence requise se détermine d’après les particularités de chaque cas, telles que
- la nature de l’intervention ou du traitement et les risques qu’ils comportent,
- la marge d’appréciation,
- le temps et les moyens disponibles,
- la formation et les capacités du médecin.
Quand la responsabilité du médecin est-elle engagée?
Pour résumer, la responsabilité du médecin (qu’il soit médecin-assistant, chef de clinique adjoint, chef de clinique, médecin-chef ou médecin agréé) est engagée:
- lorsque le médecin n’a pas fait preuve de la diligence requise, autrement dit qu’il a commis une faute professionnelle, c’est-à-dire qu’il a violé les règles de l’art (soit les principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens);
- ou lorsque le médecin a violé son devoir d’information, c’est-à-dire qu’il n’a pas obtenu le consentement éclairé du patient (capacité de discernement, délai de réflexion), ce qui présuppose qu’il ait donné en termes clairs et intelligibles une information complète à la personne concernée (diagnostic, thérapie, pronostic, alternatives au traitement proposé, risques de l’opération, chances de guérison, évolution spontanée de la maladie, questions financières), sous réserve d’un consentement hypothétique et de cas spéciaux tels que les interventions anodines ou urgentes et le privilège thérapeutique qui implique de ne pas inquiéter inutilement le patient.
Quels types de responsabilité?
La violation des règles de l’art ou du devoir d’information, si elle a causé un dommage au patient, entraîne potentiellement l’obligation de réparer le préjudice subi ainsi qu’une condamnation pénale et une sanction disciplinaire.
a) Responsabilité civile
Par responsabilité civile, on entend les conditions qui fondent l’obligation de réparer le préjudice par le versement d’une indemnité destinée à couvrir le dommage et le tort moral subis. Cette obligation résulte de l’application des règles de droit privé ou de droit public. Elle ne signifie pas encore nécessairement que le médecin répond personnellement et directement du dommage et du tort moral qu’il a causés.
En effet, en droit public, l’État répond de manière primaire et, en principe, exclusive. Il peut certes se retourner contre le médecin (action récursoire), mais uniquement en cas de faute grave ou de faute intentionnelle. En droit privé en revanche, le médecin répond de toute faute, y compris de la faute des personnes qui sont intervenues sous ses ordres (auxiliaires). Sa responsabilité n’est ainsi pas limitée aux fautes graves ou intentionnelles. Il répond aussi des fautes légères comme de celles qu’il a commises par négligence.
Droit public ou droit privé?
Pour savoir si le droit privé ou public s’applique, il faut analyser la relation patient-hôpital-médecin.
Si l’intervention a eu lieu dans un hôpital public et que le médecin est intervenu en tant qu’employé pour traiter les patients de l’hôpital (cas le plus fréquent), c’est la responsabilité de l’Etat qui est engagée de manière primaire et exclusive. Il en va de même du médecin-chef qui traiterait l’un de ses patients privés dans l’hôpital ou du médecin agréé qui serait appelé par l’établissement de soins pour traiter des patients de l’hôpital. Dans toutes ces hypothèses, le patient ne peut pas attaquer directement le médecin ni les personnes qui sont intervenues sous ses ordres (auxiliaires). En revanche, lorsqu’un médecin agréé traite ses propres patients au sein de l’hôpital (par le biais d’un contrat d’utilisation des infrastructures), c’est sa responsabilité personnelle qui sera seule engagée et ce, en principe également pour les actes des personnes qui sont intervenues sous ses ordres (auxiliaires). Le patient devra attaquer directement le médecin.
Si l’intervention a lieu dans une clinique privée, le patient lésé devra attaquer l’établissement privé (qui répond des actes du médecin). Si un contrat de soins a été spécifiquement conclu avec le médecin, le patient pourra aussi agir directement contre lui.
En parallèle de la responsabilité civile, les actes du médecin (qu’il soit médecin-assistant, chef de clinique adjoint, chef de clinique, médecin-chef ou médecin agréé) engagent sa responsabilité personnelle sur le plan pénal et disciplinaire.
b) Responsabilité pénale
A côté de l’obligation financière de réparer le dommage, le médecin (qu’il soit médecin-assistant, chef de clinique adjoint, chef de clinique, médecin-chef ou médecin privé) qui a violé les règles de l’art ou son devoir d’information s’expose personnellement à une condamnation pénale en raison de la commission d’une infraction (par exemple homicide par négligence, art. 117 CP) ou lésions corporelles par négligence (art. 125 CP).
c) Sanctions disciplinaires
En règle générale, la violation des règles de l’art ou du devoir d’information entraînera une sanction administrative de la part de l’autorité de surveillance. Différentes mesures peuvent être prononcées (un avertissement, un blâme, une amende ou une interdiction de pratiquer à titre indépendant).
La violation des règles de l’art ou du devoir d’information peut aussi entraîner une sanction de la part de l’employeur du médecin employé (gel de la progression salariale, avertissement, licenciement).