- Next Level
Le leadership au quotidien en clinique
Garder la vue d’ensemble, communiquer de façon compréhensible, distribuer les tâches et surveiller leur exécution. Pour les jeunes chef(fe)s de clinique, endosser le nouveau rôle dirigeant ne va pas toujours de soi. Voici quelques conseils en la matière.
11.04.2024
Quelles sont mes tâches en tant que chef(fe) de clinique?
La fonction généralement inédite de supérieur(e) devant assumer la responsabilité de toute une équipe représente un grand défi pour les jeunes chef(fe)s de clinique. Cela signifie apprendre à déléguer et contrôler des tâches. Outre le rôle dirigeant, les chef(fe)s de clinique assument aussi une responsabilité et des tâches de gestion, par exemple la planification des services. De plus, ils veillent à ce que les processus, ressources et problèmes éventuels dans leur domaine de compétence soient évalués, optimisés et résolus de manière structurée [1].
Les leaders compétents se caractérisent par leur capacité à développer une vision, à fixer des objectifs et à les communiquer clairement. Ils sont capables d’enthousiasmer et de motiver leur équipe pour réaliser ces objectifs et visions, et ainsi de les gagner à leur cause. Ils gèrent avec habileté les défis et obstacles en faisant preuve de créativité et de clarté [1, 2, 3].
Que signifie le leadership?
Les attentes et objectifs auxquels les chef(fe)s de clinique doivent répondre figurent dans les descriptions de poste, les lignes directrices et directives de la clinique et dans les visions de l’hôpital. Les chef(fe)s de clinique peuvent aussi directement interpeller leurs supérieurs en ce qui concerne les attentes et objectifs auxquels ils doivent répondre. En accord avec ceux-ci, ils peuvent définir leur propre «orientation» et «stratégie» pour leur domaine de compétence.
Même les personnes sans rôle dirigeant défini peuvent assumer un rôle de leader pour une tâche concrète. Chacun peut donc contribuer au bon fonctionnement d’un service [2, 3].
Leadership signifie aussi aborder les changements dans un esprit constructif. Les chef(fe)s de clinique partagent une part de responsabilité dans la mise en œuvre des innovations et changements dans un service. Cela fait donc partie de leurs attributions d’analyser régulièrement les processus (entrées, sorties, visites, entretiens, rapports, etc.) quant à leur optimisation, leur adaptation ou leur remaniement, afin d’améliorer les déroulements en réduisant les temps morts. Avec l’expérience, ils sont en mesure de mieux anticiper les problèmes et d’intervenir à temps.
Lorsque des changements sont annoncés, il y a un risque de rencontrer des résistances qui sont généralement induites par la crainte de subir des inconvénients et le manque d’informations sur les raisons du changement. Il est donc fondamental de prendre son temps pour mettre en place de nouveaux processus et de bien définir le cercle des destinataires des informations, afin de motiver le plus possible les collaboratrices et collaborateurs (par écrit ou oralement).
Qu’est-ce qui caractérise un leader?
Les leaders compétents maîtrisent différents styles de conduite et sont capables de les adapter au contexte. Suivant la situation et les besoins de l’équipe, ils peuvent alterner entre instruction, coaching, soutien et délégation [4]. Un leader se distingue notamment par les caractéristiques suivantes [5]:
Une bonne vue d’ensemble: les leaders ont la capacité d’apprécier avec une certaine distance chaque situation ou problème qui se présente en adoptant la Balcony Perspective [6]. Pour les chef(fe)s de clinique, cela signifie adopter, outre la perspective de la relation médecin-patient, une perspective organisationnelle et interprofessionnelle en tenant compte des défis à l’échelon supérieur (service, hôpital).
Exemple
En début de semaine et chaque matin, les chef(fe)s de clinique discutent avec leur équipe des objectifs et tâches spécifiques de la journée. Ils parlent à la première personne du pluriel (nous) plutôt qu’à la première personne du singulier (je), ce qui accroît pour les médecins-assistant(e)s le sentiment d’appartenance à l’équipe.
Fixer les priorités et déléguer: la séparation systématique entre l’essentiel et l’accessoire permet de mieux maîtriser la complexité du quotidien. Les leaders sont en mesure de fixer des priorités pour la planification, la décision et l’exécution de tâches et de les déléguer aux bonnes personnes. Les chef(fe)s de clinique connaissent très bien leur équipe. Ils savent donc à qui ils peuvent déléguer quelle tâche. Pour ce faire, ils doivent donner des instructions claires sur le moment et la manière dont la tâche doit être exécutée.
Exemples
La cheffe de clinique laisse au médecin-assistant la compétence de choisir le type et la fréquence à laquelle l’analyse de laboratoire est effectuée. Le médecin-assistant est donc encouragé à réfléchir et apprend à prendre lui-même des décisions. Ce faisant, il doit justifier vis-à-vis de la cheffe de clinique les analyses qu’il mandate auprès du laboratoire. Les décisions sont discutées et, le cas échéant, corrigées. La cheffe de clinique n’établit pas de prescriptions, afin de rendre bien visible le domaine de compétence du médecin-assistant.
Au début de leur activité en clinique, les médecins-assistant(e)s inexpérimentés se voient prescrire la plupart des concepts thérapeutiques. Ils doivent donc discuter toutes les prescriptions avec leurs supérieurs. Avec l’expérience, ils gagnent en autonomie. Lorsque le temps presse ou en cas d’urgence, il est important de clairement définir, communiquer et déléguer les tâches.
Identifier le potentiel inexploité: en écoutant, observant et communiquant activement, les chef(fe)s de clinique peuvent identifier le potentiel de l’ensemble de l’équipe, ses aptitudes, le savoir disponible et l’expérience. Cela constitue la base d’un travail interdisciplinaire et interprofessionnel efficace.
Exemple
Les chef(fe)s de clinique demandent l’avis de leurs collaborateurs et manifestent leur intérêt pour l’opinion de l’équipe. Ils soulignent les forces et non pas les faiblesses des collaborateurs, les complimentent, témoignent leur reconnaissance pour le travail bien fait et les remercient.
Faire preuve de clarté: les chef(fe)s de clinique sont aussi confrontés à des situations désagréables (p. ex. des patients ou proches mécontents, des médecins-assistant(e)s difficiles ou des conflits avec le personnel soignant, etc.). Ils sont responsables d’aborder et régler ces situations. Pour préserver la collaboration et la qualité du travail, il est nécessaire de déceler à temps les problèmes et conflits et de les aborder directement, même si cela peut s’accompagner de revendications ou questions désagréables. Le cas échéant, il faudra savoir s’imposer, tout en gardant la distance nécessaire. Avec une certaine expérience, il est possible d’aborder avec respect les situations difficiles tout comme les conséquences et décisions qu’elles impliquent. On peut ainsi élaborer des solutions durables et encourager un développement positif sur le long terme.
Exemples
Pour être un leader crédible et digne de confiance, il faut avoir une vision claire des choses et savoir dire non, car ce n’est pas en étant toujours d’accord que l’on sera respecté.
En tant que chef(fe)s de clinique, il est très désagréable de devoir donner un feed-back négatif à des médecins-assistant(e)s dont la performance n’est pas satisfaisante. C’est pourtant indispensable pour la suite de la collaboration.
Comment puis-je développer mes compétences en matière de leadership?
Développer le leadership est un processus. La première étape consiste à réfléchir au rôle dirigeant et aux tâches que cela implique. En effet, la personne qui se remet en question, analyse son comportement et ses décisions peut améliorer sa capacité à motiver une équipe pour ses objectifs et à la mener aux objectifs. De plus, il est très précieux d’entretenir des échanges dans son réseau sur les tâches et difficultés liées à la conduite. Si l’on souhaite recevoir un feed-back sur son comportement de conduite, on peut demander l’avis de son équipe. Cela exige toutefois d’être ouvert à la critique.
L’apprentissage et l’exécution des fonctions de conduite vont de pair. Il est donc possible de se renseigner déjà pendant la période d’assistanat sur les opportunités de pratiquer le leadership, p. ex. en menant une visite, en donnant un cours à des étudiants, en animant une table ronde, etc. Les compétences en matière de leadership s’acquièrent par la pratique régulière, la réflexion et le feed-back.
Un guide pour le travail de chef(fe) de clinique
Le passage du statut d’assistant(e) à celui de chef(fe) de clinique s’accompagne de toute une série de nouvelles attributions. Outre les compétences médicales, il faut également avoir acquis davantage de compétences transversales comme les aptitudes en matière de bonne communication et les qualités didactiques et de leadership. La série «Next Level» de six articles illustre les défis qui se posent et propose des conseils pratiques et une aide pour le travail quotidien. Les textes légèrement adaptés et en partie abrégés sont tirés du guide «Die oberärztliche Tätigkeit – eine neue Herausforderung» et ont été mis à disposition par les éditions Hogrefe et les auteurs pour une républication. Le guide avec les textes complets et d’autres thèmes est disponible aux éditions Hogrefe ou auprès de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG).
Bibliographie
- Blumenthal DM, Bernard K, Bohnen J, Bohmer R. Addressing the leadership gap in medicine: residents’ need for systematic leadership development training. Acad Med. 2012;87(4):513–22. https://doi.org/10.1097/ACM.0b013e31824a0c47.
- Collins-Nakai R. Leadership in medicine. Mcgill J Med. 2006;9(1):68–73.
- Hackman JR. Leading Teams. Boston: Harvard Business Review Press; 2002.
- Dent J, Harden RM, Hunt D, eds. A practical Guide for Medical Teachers. 5th ed. Amsterdam: Elsevier; 2017.
- Kälin K, Müri P. Sich und andere führen. 16. Aufl. Bad Hersfeld: Ott-Verlag; 2015.
- Heifetz RA. Leadership without easy answers. Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press; 1998.
Autres ouvrages de référence
- Kim MM, Barnato AE, Angus DC, Fleisher LA, Kahn JM. The effect of multidisciplinary care teams on intensive care unit mortality. Arch Intern Med. 2010;170(4):369–76. https://doi.org/10.1001/archinternmed.2009.521.
- Neily J, Mills PD, Young-Xu Y, Carney BT, West P, Berger DH, et al. Association between implementation of a medical team training program and surgical mortality. JAMA. 2010;304(15):1693–700. https://doi.org/10.1001/jama.2010.1506.
- Stoller JK, Rose M, Lee R, Dolgan C, Hoogwerf BJ. Teambuilding and Leadership Training in an Internal Medicine Residency Training Program. J Gen Intern Med. 2004;19(6):692–7. https://doi.org/10.1111/j.1525-1497.2004.30247.x.
- Wheelan SA, Burchill CN, Tilin F. The link between teamwork and patients’ outcomes in intensive care units. Am J Crit Care. 2003;12(6):527–34. https://doi.org/10.4037/ajcc2003.12.6.527.